Réflexions sur les Magnétos LUCAS

Pour apporter une contribution au site, je te propose une réflexion sur les magnétos LUCAS, traduite du "Jampot" auquel j'ai apporté quelques commentaires - Ci-joint un croquis des K2F - Jean-Paul


Le principal avantage d'une magnéto est de fournir du courant indépendamment d'une batterie - En fait vous n'avez pas souvent besoin d'une batterie – Une magnéto travaille comme une génératrice et créé son propre courant primaire à basse tension, puis agit comme une bobine et transforme le courant basse tension en haute tension (environ 20.000 Volts) - Plus vite elle tourne, plus elle délivre de volts –

Il apparaîtrait que les Ingénieurs de chez LUCAS firent une marche arrière, vis à vis de la technique habituelle de l'époque qui voulait que les magnétos équipant les avions et les tracteurs avaient l'aimant tournant et l'enroulement fixe (ex/ les magnétos PAL, actuelles) - Les magnétos LUCAS ont au contraire l'enroulement tournant (armature) et l'aimant fixe
(exception faite de la production limitée du type SR) - Le principal avantage réside dans un ensemble plus petit et plus compact.

Il y a environ quinze ans j'ai été obligé de m'attaquer sérieusement au problème des magnétos LUCAS - Ayant fini la restauration d'une 1000 Vincent, je ne trouvais pas le moyen de la démarrer convenablement - Elle allumait sur un cylindre mais pas sur l'autre - J'enlevais les bougies et constatais que toutes les deux donnaient une étincelle - Après quelles séances de
musculation du mollet et moult essais infructueux de démarrage, je me suis convaincu d'une évidence : il devait y avoir un "schmilblick" dans la magnéto.

La magnéto d'une Vincent est un problème spécial, du à la configuration du VTwin - Les champs magnétiques ont un pôle nord et un pôle sud et ils sont opposés à 180° - Cela fonctionne bien avec les vertical-twin tels les TRIUMPH parce que la magnéto est supposée allumer tous les 180° ( ou 360°/un tour complet du vilebrequin° - Il est important de noter que l'ouverture des vis platinées devraient se faire au moment où le magnétisme induit dans
l'armature change de polarité et que le champ magnétique est rompu) – Mais cette situation se complique sur la Vincent parce que c'est un Vtwin et que seulement une bougie (cylindre arrière) donne une étincelle optimum – Parce que la seconde bougie allume 25 degrés après la rupture du champ magnétique, on obtient une médiocre étincelle sur le second cylindre ( cylindre Avant).

Ma magnéto était dégradée au point qu'une des bougies donnait une faible étincelle alors que l'autre ne donnait pratiquement rien.

Entre autres choses, il y a actuellement trois principales sources de problèmes avec les magnétos LUCAS.

Par ordre d'importance :

1) Perte de magnétisme . Les premiers ennemis d'un magnétisme permanent sont la chaleur, le stress causé par les vibrations et bien entendu l'âge - J'ai testé le courant alternatif primaire de diverses magnétos et après remagnétisation, j'ai trouvé des augmentations pouvant aller jusque 40%.

Cela se traduit par une augmentation comparable du courant haute tension - Il ne serait pas surprenant de constater la même chose sur des magnétos de 30 à 50 ans d'âge voire plus -

En fonction des différents modèles produits par les marques, pour chaque modèle était négocié un contrat spécifique avec LUCAS, qui portait principalement sur le niveau de magnétisation de la magnéto. Ce niveau de magnétisation n'était évidemment pas le même entre une Norton 16H (latérale à bas taux de compression) et une BSA Gold Star "Cubman", toutes deux équipées d'une Magdyno-

Par ailleurs, une remagnétisation demande un équipement très onéreux ( Éclateur électronique de forte puissance) et très peu de réparateurs possèdent ce type d'équipement que ce soit en Angleterre ou autres pays européens !!

2) Perte de capacité du condensateur .Dans le cas de la magnéto , le condensateur emmagasine le courant produit par la rupture du champ magnétique pour le restituer ultérieurement - En agissant ainsi, il empêche un arc de se créer au niveau des vis platinées lorsqu'elles s'ouvrent – En travaillant ainsi, un condensateur doit être capable d'absorber une charge électrique et de la garder - Un condensateur défectueux ne peut pas prendre sa charge de courant car elle se dissipe aussitôt qu'elle est accumulée – Je peux affirmer que toute machine anglaise ayant un allumage par magnéto, soit ne délivre pas une étincelle optimum aux bougies, soit risque une panne impromptue, si le condensateur d'origine LUCAS n'a pas été remplacé – Tous les condensateurs de cette époque étaient réalisés avec du papier diélectrique qui se dégrade ou se dégraderont avec l'age. Les vieux mécanos vont diront que lorsqu'ils remplaçaient des vis platinées, dans les années 50/60, ils remplaçaient systématiquement les condensateurs.

J'ai testé des condensateurs neufs d'origine LUCAS tous venant d'anciens stocks et ils étaient tous défectueux - Il est amusant de voir sur ebay, par exemple, ou sur catalogues, de tels condensateurs à des prix approchants 100 Euros chacun - Vu ce que j'ai expliqué plus haut, un condensateur d'origine LUCAS est la dernière chose à utiliser !! - Alors comment en trouver un bon ? A cause des hautes impulsions de courant rencontrés dans les circuits d'allumage, des condensateurs spéciaux doivent être utilisés - (Pour les spécialistes, le rapport dV/dt doit être>1500 et DF <0.05%) – Les condensateurs du commerce sont en polyester métallisé et périssent invariablement.

De telle manière aussi doivent périrent tous les condensateurs LUCAS d'avant 70 - Avec le temps et l' âge , ils subissent une métamorphose interne qui les font passer par une phase de résistance puis de conducteur c'est à dire à une mort certaine.

Une magnéto qui fonctionnait parfaitement il y a 30 ans, sur moto nouvellement ressortie, ne donnera qu'une petite étincelle !!

J'ai entendu des copains me dire qu'en essayant leur magnéto ils s'étaient pris de sérieuses "châtaignes", signe que leur magnéto devait très bien fonctionner . Grave erreur !! Le courant domestique 220V peut également vous causer de sacrées "châtaignes" voire parfois vous électrocuter, ce n'est pas pour cela qu'il produira une bonne étincelle à votre bougie !!

Mais ici je dois attirer votre attention. Le condensateur est logé à l'intérieur de l'armature et le remplacer est presque une opération chirurgicale! Un démontage sans précaution amènera des dommages au collecteur, surtout si des vis de sécurité latérales ne sont pas enlevées avant l'extraction de l'armature. Mais cela n'est que la moitié des difficultés ! Souvent, si vous pensez à enlever ces vis de sécurité, vous aurez un autre risque de casser le collecteur quand vous essayerez de l'extraire de l'armature - Il est réalisé en bakélite et il est très fragile. Il est courant qu'il soit grippé sur l'axe de l'armature par la corrosion du laiton - Enlever le collecteur en l'usinant sur un tour amène également d'autres problèmes - Aussi sans savoir où vous allez ou si vous n'avez pas un bon stock de pièces de rechange LUCAS, allez voir quelqu'un de plus compétent dans ce domaine !! Vous allez certainement dépenser plus à essayer de faire la réparation vous-même et de plus sans avoir réellement une bonne magnéto!!

3) Défaillance de l'armature. Soit par rupture de l'isolation, ce qui ce traduit par la mise à la masse (arc haute tension), soit par coupure intermittente du secondaire. Le premier signe du défaut est une difficulté de démarrage à chaud. L'isolation de l'enroulement secondaire peut être testée à l'aide d'un "metrix" pour vérifier la résistance de l'isolation. L'armature doit être extraite et les fils du primaire déconnectés du condensateur. Idéalement, la résistance du primaire devrait être au-dessus de 1000 Mégohms, et toute mesure en dessous de 20 Mégohms est le signe d'une défaillance imminente. Également l'enroulement secondaire peut être testé à l'ohmmètre.

Une mesure autour de 5 Kilohms est signe d'un bon enroulement.

J'ai vu souvent des magnétos "couper" lors d'essais routiers - (Démarrage aisé moteur froid, impossible à chaud) . Aussi pourquoi la moto roule ?
L'enroulement du secondaire est constitué de fil de cuivre très fin (l'épaisseur d'un cheveu) mais aussi très long (plus d'un Km). Si une coupure du circuit se développe sur le secondaire, le courant haute tension enjambera cette coupure par un arc électrique et la moto continuera de rouler - Lentement mais sûrement, les bouts du fin fil coupé commenceront à fondre sous l'arc et l'intervalle de coupure deviendra de plus en plus grand. Cet amorçage dans le circuit secondaire laisse des traces de carbone qui favorise le passage de l'arc. Alors que les dépôts de carbone ne sont pas de bons conducteurs, ils le sont assez cependant pour laisser passer le
courant à haute tension quand la magnéto est froide, mais pas à chaud!!
Quand la magnéto chauffe, elle coupe. Laissez la refroidir et le moteur redémarre.

Puis le cycle reprend de lui-même.

Un dernier point relatif à l'armature: c'est une fausse économie que d'utiliser une ancienne armature sur une moto que vos restaurez ou que vous voulez emmener loin de chez vous. Le fil d'enroulement était auparavant isolé avec un vernis type "Laque" - Aujourd'hui ces mêmes fils sont isolés avec des vernis type "Polyuréthane" qui présentent l'avantage d'une plus haute résistance diélectrique.

Pour toutes les raisons trouvées et expliquées plus haut je recommande toujours et de façon systématique de procéder au rembobinage de l'enroulement de l'armature, ou alors ne partez pas trop loin de chez vous si vous ne voulez pas pousser votre machine !!

C'est aussi pour ces différentes raisons que je n'achète jamais d'armatures neuves d'origine!!

Quoiqu'à priori improbable, une autre cause de problèmes peut venir des pick-up et de leur charbon central. Un vieil ami m'avait expliqué avoir un problème car son moteur coupait à partir de 5000 tr/mn. Il ne démarrait pas facilement, mais semblait bien tourner à la vitesse de croisière (3500tr/mn). Il était convaincu que cela venait des carburateurs, aussi il les démonta - Pas de chance car il ne trouva absolument rien . Il m'envoya la magnéto que l'on mit sur le banc de test et essayée à 1750tr/mn (soit équivalent à 3500 tr/mn du moteur) - Elle semblait fonctionner correctement et à la fin n'avoir aucun problème évident. De fait le problème ne semblait pas facile à résoudre. - Après l'avoir démontée et faite remagnétiser elle fut remise sur le banc et essayée à 1750tr/mn et le problème apparu immédiatement, car la haute tension créait un arc avec la masse par le pick-up - Comme elle avait été démontée, elle produisait maintenant assez de courant pour passer à la masse au travers du pick-up at 1750tr/mn - Il n'y
avait pas de dommage visible à l'oeil nu sur le pick-up mais uniquement un minuscule trou d'aiguille plein d'huile, suffisant pour mettre la magnéto à la masse !! Je ne compte plus le nombre de fois où le problème a été résolu en remplaçant le corps du pick-up qui était complètement cuit ou simplement le petit charbon central car un fournisseur m'avait envoyé de la vacherie !!

Attention également à la languette en laiton située sur le collecteur – Une languette décollée ou fissurée génère des arcs électriques et perturbe l'alimentation en courant haute tension.

Une haute compression peut être également source d'ennuis avec une vieille magnéto - La bougie donne bien à l'air libre mais le moteur ne démarre pas quand la même bougie est installée - Pourquoi? Parce que plus le taux de compression augmente, plus fort doit être le voltage pour créer une étincelle entre les électrodes (autrement c'est le problème du soufflage de l'étincelle) - En effet, une magnéto qui semble bien fonctionner sur un moteur au taux de 7:1 ne fonctionne plus sur un moteur au taux de 12:1 (souvenez-vous du niveau de magnétisation !) - Alors le première chose à faire est de réduire l'écartement des électrodes de la bougie à 4/10ème, et le moteur démarrera...et l'année suivante et faudra encore réduire à 3/10ème ....et là encore il démarrera. Mais jusqu'où peut-on réduire cet écartement ??? Une autre approche est d'utiliser une bougie avec une électrode centrale à fin diamètre comme les Bosch platinium. Un petit diamètre d'électrode favorise la création d'une étincelle avec une tension assez basse mais cette étincelle ne sera jamais bien chaude.

Les vieux briscards se souviendront de la machine à tester les bougies Champion - C'était un bon exemple de la relation qui existe entre tension à la bougie et la pression dans la chambre de combustion : une bougie était placée dans le testeur et une haute tension appliquée dessus. Puis on augmentait la pression d'air dans la chambre pour voir à quelle pression l'étincelle disparaissait - Par contre jamais vous ne remplaciez les bougies à intervalles kilométriques réguliers et même encore maintenant - Si une bougie claquait , vous pensiez :"p..... de bougie" et vous la remplaciez - Pourquoi remplacer ou revoir l'installation complète si elle fonctionnait
apparemment encore ? OK ?

Pour la petite histoire Champion arrêta la diffusion des testeurs de bougies de peur de voir leurs ventes diminuer...

En conclusion, lors d'une restauration, il vaut beaucoup mieux dépenser plus en priorité de l'argent dans la réfection de la magnéto, qui subira obligatoirement et au minimum remagnétisation, un rembobinage et recevra un nouveau condensateur.

Enfin tout cela n'engage que moi.......... Jean-Paul ALTAYRAC  Pour en savoir plus sur la société de JP  http://cmsa.club.fr/index.htm

Autre sujet sur les magnétos : Le calage

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