Les "trucs" de Dominique D.

Soigner une fuite  -  Amélioration du freinage   -  Former et détordre le dural

Alors, au cas où la chasse aux fuites d'huile serait toujours le passe-temps préféré des amateurs d'anglaises, je vous joins un petit texte..
C'est une recette que je tiens d'un prof de lycée technique d'il y a une quarantaine d'années, et que j'utilise régulièrement.

Soigner une fuite d'huile..

Eliminons d'office le cas du joint spi ou torique mort: là il n'y a pas d'autre remède que de le changer, et en principe avec les matériaux modernes on aura donné la bécane à ses petits-enfants avant que ça re-pisse de là.
Non, il est plus délicat de soigner une fuite venant d'un plan de joint.
Mais pourquoi les Anglaises pissent-elles traditionnellement par-là?
D'abord parce que c'est la tradition, justement: "On a toujours pissé, et on pissera toujours, et God save the Queen!"
Ensuite (et c'est plus justifié) parce que les Anglais avaient une sale manie: ils fraisaient leurs carters avec trop d'avance et des outils trop pointus, et chaque trait de pointe d'outil faisait un micro-canal par où l'huile s'infiltrait. Alors, on soigne?
Tout d'abord, on démonte le moteur, et ça de toutes façons on n'y coupera pas, et on nettoie nickel.
Puis on réduit les rainures de fraisage...
a) méthode riche.
On amène le(s) carter(s) chez l'usineur du coin, et on lui demande une rectification "a minima": il doit rester un petit peu de rainures de fraisage visible, ça garantit qu'on n'aura pas "bouffé la cote".
Bon, le rectifieur est cher, ou il n'y a pas de rectifieur? Pas de panique, on va se passer de lui..
b) méthode feignante (mais diplomatiquement risquée)
On profite d'une absence de Madame pour piquer le dessus en verre de la table basse du salon.. C'est parfaitement plan, c'est rigide donc... On l'incline sous un filet d'eau, on plaque dessus une grande feuille de papier de verre de carrossier (grain 360 à 600) que l'eau maintiendra en place. Puis on y pose le carter à travailler, et par mouvements circulaires on le "dresse" (c'est le terme technique). Assez fréquemment, on regarde l'avancement du travail: les rainures de fraisage doivent s'atténuer partout pareil, tout autour du plan de joint. La circulation d'eau assure une bonne évacuation de la limaille et des grains d'abrasif, de toutes façons avant de remonter un nouveau nettoyage s'imposera.. Pour qui hésite à prendre une dalle de verre, la débouchure d'évier d'un plan de travail en agglo stratifié (chutes des cuisinistes) fera l'affaire.
c) méthode courageuse
On pose le carter sur une table (table de salon ou établi, à négocier avec Madame suivant la météo et d'autres facteurs).
On utilise comme grattoir une bonne règle métallique bien rigide, toujours en faisant très attention à enlever du copeau régulièrement. C'est plus dur à expliquer qu'à faire, disons que quand on gratte la partie droite du plan de joint, c'est la partie de la règle reposant sur la gauche du carter qui garantit qu'on travaille toujours à l'horizontale. Changer fréquemment l'orientation de la règle pour ne pas créer un creux qui s'accentuera à chaque passage. Je le répète: ça n'est pas difficile, le premier coup on est certain de faire des montagnes russes, mais l'évolution de l'aspect du plan de joint renseigne très bien sur les endroits où insister.

Bon, ça y est, le plan de joint est dressé, et tout est propre? Passons au joint.
Non ! On ne va pas aller acheter du carton à joints chez l'accessoiriste. D'abord il n'en a pas en stock (sur commande il pourrait "peut-être" en avoir, délai incertain) et ça ne sert à rien...
Pour les joints épais ("cannabis et flageolet font joint et pet") rien ne vaut les dossiers à suspendre, surplus de tout bureau qui se respecte..
Pour les joints minces, prendre du papier recyclé. Pourquoi recyclé? Parce qu'il est plus poreux que le papier glacé, ça a son importance.
Découpe du joint? On le pose sur le carter, avec une bille on marque les trous de vis, puis un coup de maillet sur la bille, ça fait emporte-pièce!
Quelques vis dans les trous, le futur joint tient en place le temps de la découpe. On dégrossit aux ciseaux puis en tapant en oblique avec une petite cuiller, on prédécoupe le joint à la forme exacte du carter, intérieur et extérieur, puis on retire les vis pour chasser les débouchures avec un tournevis. Le joint et les carters sont prêts... Remontage?

Remontage!
Sur le plan de joint préalablement dégraissé, on étend une couche de peinture glycéro, puis on y pose le joint..
Le temps qu'on remplisse le carter de toutes les belles choses nécessaires (embiellage, arbres de boîte, que sais-je?) la peinture va imbiber le joint (voilà pourquoi il le fallait poreux) après avoir rempli les rayures de fraisage résiduelles. Puis, re-coup de glycéro sur l'autre carter (eh oui, encore les rayures résiduelles!), et on referme! On serre correctement (sans plus) les vis qui tiennent les carters ensemble et même s'il n'y a rien d'autre à faire mécaniquement on laisse sécher 24 heures.. Après seulement on peut mettre le plein d'huile..
Le lendemain (ou plus tard, les 24 heurs ne sont qu'un minimum on peut mettre en route.. Le moteur va monter en température? Très bien ça va ramollir la peinture, en profiter pour effectuer un resserrage généralisé de ce joint tout neuf. Là on peut aller se balader sans crainte, si on n'a pas travaillé comme un goret pour dresser le plan et poser le joint, ça ne fuira plus. Plus par-là en tout cas..
Depuis longtemps je n'amène plus un carter à dresser, et je n'achète pas de carton à joints. Et mes moteurs ne pissent pas!
En plus, après le remontage: un coup de chiffon imbibé de white-spirit sur la peinture qui a "bavé", et le moteur n'est pas tartiné de pâte à joints, signature des mauvais mécaniciens... On a sa fierté.
 

Amélioration du freinage (pour mécanicien avertis seulement)

Freinage donc..
Ce n'est pas (toujours pas) sur une anglaise que j'ai eu des Pb de freinage, mais sur une trial.
On traverse un gué, les freins boivent un coup, et à la descente suivante (à pic bien sûr):
"Merde, ils sont pas seeeeeeeecs!" et la suite est marrante pour les copains.
Postulat 1 du trialiste: un frein ne laissera jamais passer l'occasion de boire. (breton?)
Postulat 2 du trialiste: un frein gardera très longtemps l'eau avalée. (chameau?)
Un frein lubrifié à l'eau ne s'use pas et ne chauffe pas, mais c'est une faible consolation.
Mais quand, sur disques ou tambours on DOIT changer les férodos, pourquoi prendre les mêmes? Il en existe énormément de nuances, selon la destination..
Alors tant qu'à faire, autant prendre du férodo au mètre, destiné initialement aux boîtes de vitesses automatiques et aux engins de chantier.
Ces transmissions (pour les z'initiés en mécaniques) sont des trains épicycloïdaux, et le verrouillage de chaque rapport se fait par un frein à sangle (férodo) qui travaille en bain d'huile.
Oui, ça baigne dans l'huile, et ça adhère quand même ! Alors dans l'eau, hein ?
Et à sec, je n'en parle même pas: sur ma Montesa, avec son petit tambour avant, il suffisait que je touche le levier droit pour que le pneu commence à couiner. Facile à doser mais puissant.
Et comment ça se monte ça? Juste comme les ferodos d'origine.. Riveté ou collé, je préconiserais plutôt riveté ET collé, parce qu'un ferodo qui se barre dans le tambour, bingo!
Pour le collage, rien que du classique: virer les restes de garniture d'origine, dégraisser au trichlo, bien racler la surface de collage à la lime bâtarde (ou à la râpe à bois pour les mâchoires en alu), remettre les mâchoires dans le flasque, tartiner d'Araldite, mettre les ferodos et les plaquer sur les mâchoires avec un gros collier Serflex, et si possible laisser le tout dans un four à 100° pendant une bonne heure. Ensuite: bien détalonner la garniture, puis "étalonner" la main qui touchera le levier parce que les premières fois ça surprendra.
Tenue à chaud de ce férodo? Alors ça, je ne sais pas sur une "grosse", mais une descente de col avec ma trial et ses petits tambours n'a jamais amené de fading. Et pourtant, histoire de ne pas faire mouliner le 2-temps et de le laisser refroidir, souvent je descendais au point mort donc zéro frein moteur...
Bien sûr, comme le ferodo se découpe à la scie, on peut aussi le coller pour refaire des plaquettes de disque..
Et, cerise sur le réservoir: le prix du férodo au mètre (plus celui du tube d'Araldite) est bien inférieur au prix des garnitures de frein d'origine.

P.S.: Pas de Pb de freinage non plus sur la Bonneville: le copain avais remplacé le frein d'origine par un double-double-came Grimeca.
Une fois rodé, dépoussiéré et chaque côté réglé, puis les deux côtés équilibrés entre eux, là aussi à 130 de croisière il suffisait de 2 doigts pour aller à la limite du blocage. ZE régal !
 

Former le dural et le détordre

Posons le décor: "Merde, j'ai béquillé sur une pente!" puis "merde! Levier tordu!"
Le réflexe normal est de démonter le levier en dural, de le détordre en étau puis "Merde, cassé!"
Cette casse est toujours prévisible, car les alliages légers à base d'aluminium ont la propriété de s'écrouir (de se fibrer) quand on les déforme, puis de casser quand les fibres sont trop tendues. Mais il y a un vaccin contre cette casse. D'abord, avant le vaccin: ne pas détordre comme un sauvage, l'alliage prévient avant de casser: il résiste plus à la flexion..

Matériel nécessaire:
-  une source chaude (réchaud à gaz, pistolet thermique)
-  du savon de Marseille (non, c'est pas une galéjade) et de l'eau fraîche
-  le matériel pour détordre ou former (étau, pinces, maillet...)
Mode opératoire:
-  on commence TOUJOURS par bien nettoyer la pièce, on doit VOIR le métal blanc.
-  puis on passe du savon de Marseille humide sur la partie à travailler, assez pour qu'on le voie, ça fait quelques dixièmes de mm de pâte blanchâtre. L'épaisseur importe peu.
-  puis on chauffe la partie savonnée doucement, jusqu'à ce que le savon prenne une belle couleur chocolat clair. Surtout pas noir, il y aurait un risque de destruction définitive de l'alliage. Le savon joue le rôle du thermomètre...
-  enfin, on jette la pièce dans l'eau fraîche. C'est (presque) tout !
Presque car il faut détordre avec précaution.
Précaution puisque en se déformant (ou en reprenant sa forme ancienne) l'alliage va se re-fibrer (s'écrouir) et on le sentira à sa résistance qui augmente nettement. Ne pas aller plus loin: si le redressage n'est pas fini, recommencer le cycle "savon-chauffe-trempe". Il n'y a pas de limite, on peut indéfiniment recommencer, par exemple pour former au maillet une carcasse de selle ou des plaques latérales qui épousent de près les formes du cadre et de la mécanique.
Ce procédé artisanal est toujours utilisé en construction aéronautique, par exemple pour les raccordements entre aile et fuselage.
ATTENTION !
En l'absence de toute contrainte, les effets d'une trempe durent 4 heures.
Donc on travaille sur un levier, on voit passer une jolie fille, on la drague et on revient le lendemain: on est mûr pour re-tremper le levier ! (sans sous-entendu grivois !)
Donc aussi, on a bien redressé le levier, on le remonte et tout fier on va faire un tour: au premier freinage le levier fond dans la main ( ! ) et on se plante .. Mieux vaut astiquer la bécane en regardant passer les filles, en draguer une puis (le lendemain) lui proposer de faire un tour ... Ben quoi, une jolie Maaat-moizell' sur une selle, ça a son charme, non ?
Petite précaution: ne pas oublier de remettre le carter de chaîne: aucune jolie fille ne reste aimable quand elle découvre dans son dos la raie noire des ânes. (vécu !)


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